ACTE II
Acte II « le médecin imaginaire »
La scène se situe dans un cabinet de médecin généraliste à Paris. Trois quarts de la scène sont occupés par le bureau le quart restant par un long couloir qui traverse la scène de manière à ce que le public puisse le voir dans sa longueur ainsi que la porte d’entrée et le portemanteau. En face de la porte du bureau, se trouve une autre porte vitrée donnant sur la salle d’attente à la droite des spectateurs. On peut remarquer, sur le côté, étroitement accolé à celle-ci, un espace d’accueil prévu pour la secrétaire. Quant au bureau, on y trouve deux chaises, un ordinateur, une imprimante, un lecteur de cartes bancaires, une table sur laquelle reposent différents instruments médicaux. Un divan d’examen, une grande armoire et sur le mur du fond deux blouses blanches suspendues.
Acte II, Scène I Jeudi 10 Janvier 2008
(GARDIEN, PATIENTS, Dr PENCLIN & M. LAtombe (Visiteur Médical)
Le gardien entre et inspecte les lieux puis fait signe aux patients qui attendent de rentrer. Ceux-ci s’installent dans la salle d’attente. Le gardien ressort. Trois minutes après l’arrivée des patients le médecin entre par la porte du fond visiblement en retard, salue d’un geste, à travers la porte vitrée, ses patients et rentre dans son bureau. Il allume son ordinateur puis vient chercher son premier client. Celui-ci se trouve être un visiteur médical.
(Ferme poignée de main) Bonjour !
M. LAtombe_ (A un fort accent du sud) Bonjour !
Dr PENCLIN_ (Lui fait signe d’entrer) Je vous en prie
Votre femme se porte mieux ?
M. LAtombe_ Elle est guérie !
Dr PENCLIN_ Tant mieux ! Je vous demanderai, pour cette fois,
De faire vite.
M. Latombe_ (Sort une plaquette promotionnelle)
Comme la dernière fois.
C’est promis. Cependant, il est problématique,
Noté, d’avoir si peu de temps dans sa pratique.
Dr PENCLIN_ Ah, ne m’en parlez pas ! Regardez mes patients…
Plus je prescris, plus il en vient ! C’est désolant !...
A croire qu’un médicament ça rend malade !
M. LaTOMBE_ (Ouvre la porte pour les observer)
Visiteur médical, au moins, on se balade !
Dr PENCLIN_ Nous nous égarons ! …. C’est quoi votre promotion
du jour ?
M. LATOMBE_ Un palliatif contre la dépression
Qui nous vient des « U.S.A. ». Son nom : « l’Effexule[3] »
Dr PENCLIN_ (Faussement curieux)
Hum ! S’agit-il d’une nouvelle molécule ?
M. LATOMBE_ Pas vraiment ! Mais nos études récentes nous
Ont montré qu'il serait plus efficace sous…
(Le Dr Penclin se lève et va chercher un livre de santé qui lui sert de référence. M. Latombe essaye tant bien que mal de continuer)
Une approche in vivo …
Dr PENCLIN_ (Se rassoit tout en continuant à lire)
…Juste pour ma culture !
M. LATOMBE_ …Que les I…S…R…S[4] ...
(Attend quelques secondes)
….que dit votre lecture ?
Dr PENCLIN_ Il est dit, je cite :
(Lit à haute voix une page du livre)
« Les antidépresseurs
Prozac, Deroxat, Zoloft et leurs successeurs
Doivent formellement agir en recapture
De la sérotonine[5] »
M. LATOMBE_ Vieille conjecture !
Mais où voyez-vous une contre-indication ?
Vous ne faites pas mention d’une interdiction
D’agir à la fois sur de la sérotonine
Et parallèlement, la noradrénaline[6]
(Reprend son souffle et récite sa leçon)
Notre hypothèse est que deux neurotransmetteurs
Valent mieux qu’un… le saviez-vous ?
Dr PENCLIN_ (Ironique) C’est prometteur !
A vous entendre il n’y a rien de comparable !
Mais, il y a-t-il des effets indésirables ?
M. LATOMBE_ Pas de quoi y prêter une grande attention
En fait !
Dr PENCLIN_ C'est-à-dire ?
[1] M’sieur :
Une des rares élisions dans la pièce. Utilisé ici pour permettre de faire une cassure entre le XVIIe et le XXI siècle. La forme indique également une notion d’empressement.
[2] Latombe :
Après la mort supposée de Bérénice et d’Antonin c’est un des premiers mots qu’on entend « la tombe ». Egalement choisi comme une métaphore. Les vendeurs de médicaments sont-ils des vendeurs de vie ou bien de mort ?
[3] L’Effexule :
Nom tiré d’un médicament vendu aux états unis (l’Effexor) ayant les mêmes propriétés et peut-être les mêmes effets indésirables que ceux décrits dans la pièce.
La sérotonine est un neuromédiateur, c’est-à-dire qu’elle a une fonction de jonction entre les neurones. Elle a un rôle capital dans l’organisme notamment dans le contrôle de la transmission de la douleur, dans la régulation thermique et dans la régulation de l’appétit. Si son rôle n’a pas été mis en évidence dans les schizophrénies (au contraire d’un autre neuromédiateur, la dopamine), la sérotonine est suspectée d’intervenir dans le déclenchement des états dépressifs ainsi que dans les comportements de levée de l’inhibition (agressivité, impulsivité, tentative de suicide). De nombreux antidépresseurs agissent sur la sérotonine pour améliorer les symptômes dépressifs (http://psychologies.com)
[6] Noradrénaline :
La noradrénaline (ou norépinéphrine) est un composé organique (neuromédiateur) qui joue le rôle d'hormone adrénergique et de neurotransmetteur. C'est une catécholamine comme la dopamine ou l'adrénaline. Elle est principalement libérée par les fibres nerveuses du système nerveux orthosympathique (ou sympathique) et agit comme neurotransmetteur au niveau des organes effecteurs. La noradrénaline est un neurotransmetteur important pour l'attention, les émotions, le sommeil, le rêve et l'apprentissage. La noradrénaline est aussi libérée comme une hormone dans le sang où elle contracte les vaisseaux sanguins et augmente la fréquence cardiaque. Elle joue aussi un rôle dans les troubles de l'humeur comme la maniaco-dépression.